[1] Voir J. Markale, le Roi Arthur et la société celtique, Paris, Payot, 5e éd., 1989.

[2] Le sud du Pays de Galles, essentiellement le Dyved.

[3] Le nord du Pays de Galles, essentiellement le Gwynedd.

[4] À l’époque arthurienne (Ve – VIe siècle), cette région située au nord du fleuve Humber était déjà conquise par les Saxons, mais la légende arthurienne semble néantiser complètement les réalités historiques.

[5] Ce personnage, qui joue un rôle important dans plusieurs épisodes de l’épopée arthurienne, n’est qu’une variante du héros celtique primitif, Brân Vendigeit, tel qu’il apparaît dans la seconde branche du Mabinogi gallois. Voir J. Markale, La Naissance du roi Arthur, première époque du Cycle du Graal, Ed. J’ai lu, n° 4742.

[6] Personnage important de la légende primitive d’Arthur et qui semble d’origine armoricaine, certains épisodes faisant nettement mention de « Caradoc (ou Carados) de Vannes ». La forme Caradoc (Caradawg), parfois orthographiée Cardoc, qui signifie « aimable », est galloise, la forme bretonne-armoricaine étant Karadec. Quant au surnom, il a donné lieu à de nombreuses controverses. En français, cela signifierait « bref bras », c’est-à-dire « au bras court ». Mais c’est une mauvaise interprétation d’un ancien gallois et breton (deux langues identiques avant le XIe siècle) qui serait Brech-Bras, littéralement « Bras Long ». La forme française est donc un superbe contresens. On peut penser à l’allemand Sauerkraut, littéralement « fermenté chou », qui est devenu stupidement le français « choucroute » !

[7] Kaerlion sur Wysg (ou « sur Usk ») est une importante forteresse de création romaine située au sud-est du Pays de Galles, et les fouilles archéologiques ont démontré l’importance de cet établissement, qui n’est pas celtique, mais purement romain. L’archéologie corrobore des textes monastiques du haut Moyen Âge, et l’ensemble laisse penser que l’épopée arthurienne historique (donc dans sa base prélégendaire) est une exaltation des Romains, autrement dit des Britto-Romains de l’île de Bretagne, derniers défenseurs de la civilisation occidentale – et chrétienne – face aux » Barbares », aux Pictes du Nord et aux Saxons et autres peuples germano-scandinaves (encore « païens ») qui menaçaient le fragile édifice romano-celto-chrétien qui, à la fin de l’Empire, s’acharnait à maintenir une tradition culturelle considérée comme essentielle pour la survie de la civilisation.

[8] Dans la géographie arthurienne, toujours plus mythologique que réelle, la Carmélide se trouve tantôt en Grande-Bretagne, tantôt en Bretagne armoricaine.

[9] On a tenté d’identifier la « Terre Déserte » avec le Berry. Il est plus vraisemblable d’y voir les Marches de Bretagne, autrement dit les comtés de Rennes et de Nantes, territoires situés à l’est de la Vilaine et qui étaient peuplés de Gallo-Francs au moment de l’éclosion de la légende arthurienne, Gallo-Francs en lutte perpétuelle avec les Bretons armoricains établis à l’ouest de la Vilaine. Le fait que Claudas de la Terre Déserte apparaît dans la légende spécifique de Lancelot du Lac, légende d’origine nettement armoricaine (et même du pays de Vannes), conforte cette hypothèse.

[10] La légende se fait ici l’écho d’événements historiques du Ve siècle concernant une alliance des Gallo-Romains et des Bretons, dirigés par un certain Riothime, contre les Wisigoths. Le duc Frolle serait donc le souvenir d’un chef wisigoth.

[11] C’est le père de Lancelot du Lac. Son pays semble être situé dans le sud de la Bretagne armoricaine, dans la région de Vannes, et la légende paraît greffée sur les événements survenus dans le Vannetais au VIIe siècle, à propos de la lutte entre les Bretons et les Gallo-Francs. Dans la version primitive de la légende de Lancelot, telle qu’elle se trouve dans une version allemande, contemporaine de celle de Chrétien de Troyes, mais parallèle à celle-ci, Ban de Bénoïc est appelé Penn Genewis, et c’est un véritable tyran pourchassé et tué par ses propres sujets.

[12] C’est le père de Bohort, cousin de Lancelot, l’un des trois héros privilégiés de la Quête du Graal cistercienne.

[13] C’est probablement Carhaix (Finistère), capitale du Poher, ancienne forteresse gallo-romaine au carrefour des principales routes de la péninsule armoricaine.

[14] Cette date n’est pas indiquée au hasard dans cette version dite de Gautier Map. Il s’agit en effet du début de la nuit du 1er mai, autrement dit de la fête celtique païenne de Beltaine, début de l’été, qui marque à la fois la reprise de l’activité pastorale et agricole et la lutte contre les mauvais esprits (en pays germanique, c’est la Nuit de Walpurgis). Dans l’histoire mythique de l’Irlande ancienne, c’est toujours pendant la nuit de Beltaine que se déroulent les grandes batailles qui symbolisent un changement de civilisation, preuve que les divers auteurs des récits arthuriens connaissaient parfaitement l’origine de leurs schémas épiques et la signification des grandes fêtes préchrétiennes.

[15] Il faut savoir que cette version a été écrite vers 1220, peu de temps après la bataille de Bouvines (1214), gagnée essentiellement contre les Allemands.

[16] Urfin était l’homme de confiance du roi Uther Pendragon, et Bretel l’un des familiers de la duchesse Ygerne de Tintagel.

[17] Dans les romans français de la Table Ronde, le royaume, ou le pays, de Logres désigne les domaines régis par Arthur. Mais, dans la tradition galloise, qui est plus ancienne, le terme Llogr sert à désigner uniquement les régions de l’île de Bretagne sous la domination anglo-saxonne, c’est-à-dire l’Angleterre proprement dite, à l’exclusion du Pays de Galles, des Cornouailles (Cornwall), et bien entendu de l’Écosse. La curieuse statue qui empêche tout franchissement de frontière est bien dans le ton de la mythologie celtique et se réfère au fameux « barrage druidique », d’essence magique, que les druides étaient censés provoquer, en cas de conflit, sur les frontières du pays ennemi. Il y a eu également, tout au long du Moyen Âge, des traditions légendaires concernant Judas à qui est prêtée l’érection de la statue monstrueuse, laquelle semble de même nature que la tête de Méduse, dans la tradition grecque.

[18] Les textes français parlent tous de la bataille de Salisbières, soit Salisbury. Mais la tradition galloise se fait gloire d’une bataille décisive qu’Arthur, simple chef d’armée et non pas roi, aurait remportée sur les Saxons en 5I6. Ainsi peut-on lire dans les Annales de Cambrie, qui datent du Xe siècle, les renseignements suivants, ici traduits du latin : « 5I6, bataille de Badon en laquelle Arthur porta la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ, trois jours et trois nuits sur ses épaules. Et les Bretons furent vainqueurs. » Tout indique que la résistance bretonne contre les Saxons était aussi une reconquête d’un pays gagné par la religion germanique. Les Saxons sont de véritables « diables » païens tandis que les Bretons sont d’authentiques « Romains », défenseurs de la Chrétienté. Quel que soit le lieu de la bataille, la plaine de Salisbury ou le site de Bath (le Mont-Badon), l’action vigoureuse des tribus bretonnes fédérées assura un sursis d’une quarantaine d’années aux différents royaumes de l’île de Bretagne. C’est à cette époque que se situe historiquement ce qu’on appelle l’époque arthurienne.

[19] D’après la version dite de Gautier Map, c’est-à-dire le Lancelot en prose français (parfois appelé « Vulgate Lancelot-Graal »), composé vers les années 1220-1230.

[20] D’après le Merlin en prose, de la tradition de Robert de Boron, composé aux environs de l’an 1200. Seuls l’intervention de Morgane au cours de l’assemblée et le dialogue final entre Morgane et Merlin sont une reconstitution conjecturale d’après l’ensemble des versions de la légende. Le rôle de Morgane semble en effet avoir été singulièrement altéré, pour ne pas dire « gommé » dans la plupart des épisodes où elle apparaît. En fait, Morgane est l’image historicisée de l’antique déesse des Commencements et il est tout à fait vraisemblable que son nom soit une transcription de celui de la Morrigu ou Morrigane de la tradition gaélique, l’une des divinités primordiales classées parmi les Tuatha Dé Danann, les « peuples de la déesse Dana ». Si l’on écarte trop Morgane de la trame essentielle du cycle arthurien, on risque de ne plus comprendre son comportement ambigu auprès d’Arthur et de Lancelot du Lac, et surtout, à la fin du cycle, l’épisode où elle emmène Arthur blessé dans la fabuleuse île d’Avalon dont elle est la reine. Et il faut savoir que le nom de Morrigane signifie « grande reine ».

[21] Dans la tradition galloise, Prytwen (forme blanche) est donné à la fois comme bouclier et comme navire, ce qui en fait un objet magique. Rappelons que le nom de l’épée Excalibur provient du gallois Caledfwlch (gaélique : caladbolg) qui signifie « violente foudre », appellation conforme aux pouvoirs magiques prêtés à cette arme.

[22] C’est le nom de la lance dans la tradition galloise. On y retrouve le mot ron, qui signifie « lance » ; mais le second terme, qui varie selon les textes, reste obscur.

[23] Décor caractéristique des récits mythologiques celtiques. La clairière isolée est le seul temple des Celtes ; c’est le nemeton, projection symbolique du ciel sur la terre, à la fois lieu de culte et de méditation transcendantale.

[24] Image d’une prêtresse, elle-même représentation de la Divinité, qui initie et guide les héros engagés dans des aventures fantastiques. Dans les Romans de la Table Ronde, ce sont de troublantes « pucelles » qui guettent les héros au fur et à mesure qu’ils cheminent vers leur but. Dans les contes populaires oraux, il s’agit des fées – ou des vieilles femmes un peu sorcières – et même des saintes, la Vierge Marie en particulier.

[25] C’est donc la prêtresse-déesse qui provoque l’épreuve pour juger de la valeur du néophyte, pour mesurer en quelque sorte son degré d’initiation. L’épisode se trouve au début de l’étrange récit français de Perlesvaux, œuvre de propagande chrétienne à tendance théologique, sous influence des clunisiens de l’abbaye de Glastonbury, et qui, paradoxalement, est l’un des textes qui contient le plus d’éléments païens à l’état brut, sous un vernis chrétien facilement repérable.

[26] Il s’agit évidemment d’une illustration parfaite de la doctrine de la présence réelle. Ce récit de Perlesvaux a été composé au moment où différents conciles débattaient de cette question et finirent, en 1205 par écarter la consubstantiation au profit de la transsubstantiation.

[27] Cette lance, qui fait penser à la « lance qui saigne » portée pendant l’énigmatique Cortège du Graal, n’est pas, comme de nombreux commentateurs l’ont dit, la lance du centurion Longin, mais un objet merveilleux de la mythologie celtique. C’est la « Lance d’Assal », dite « Lance de Lug », apportée en Irlande par les Tuatha Dé Danann, d’après les plus anciens récits en langue gaélique. Cette lance a la particularité d’être flamboyante, et elle ne perd son ardeur que trempée dans le sang humain. Voir J. Markale, le Graal, édition intégrale, Paris, Retz, I982, pp. 200-205.

[28] C’est l’indication que la barrière est la frontière entre le monde des vivants et ce que les Celtes appelaient l’Autre Monde, à la fois zone intermédiaire et séjour des dieux et des défunts, le fameux sidh irlandais, nom qui signifie « paix », et qui désigne le monde intérieur mystérieux des tertres mégalithiques.

[29] Le thème est très archaïque, abondamment répandu dans la tradition irlandaise, mais aussi dans différentes versions de la Quête du Graal. Dans la version de la Quête dite « cistercienne », Galaad guérit le « Roi Méhaigné » en appliquant sur sa plaie le fer de la « lance qui saigne ». J’ai démontré depuis longtemps qu’à l’origine (celtique et païenne) de la tradition, la Quête du « saint » Graal n’était qu’une banale histoire de vengeance par le sang, une sorte d’application de la loi du talion. Voir J. Markale, La Femme celte, nouvelle édition de poche, Paris, Payot, 1992, pp. 270-292.

[30] Le début de ce chapitre est emprunté aux premiers épisodes de Perlesvaux, récit français des environs de l’an 1200, publié par Nitze et Jenkins sous le titre le Haut Livre du Graal, Chicago, I932-1937. La suite du récit s’apparente au Perceval de Chrétien de Troyes et au Didot-Perceval de la tradition de Robert de Boron, et concerne uniquement la quête des chevaliers d’Arthur. Des extraits de Perlesvaux, traduits en français moderne par Christiane Marchello-Nizia, ont été publiés dans Danielle Régnier-Bohler, la Légende arthurienne, Paris, Laffont, 1989.

[31] Cet épisode est un conte populaire oral recueilli par le célèbre fondateur du néo-druidisme au XVIIIe siècle, Edward Williams, dit Iolo Morgannwg, et contenu dans les Iolo Manuscripts publiés par son fils Taliesin Williams (Llandovery, 1838, p. 188). Ce n’est qu’une simple anecdote, mais elle est révélatrice du caractère archaïque de l’Arthur primitif, véritable chef de bande dont la légende a fait un roi et même un « empereur » tout-puissant.

[32] Il s’agit de la coutume celtique connue sous le nom anglo-saxon de fosterage, et qui fut très observée en Irlande, même après la christianisation, et jusqu’à la fin du Moyen Âge.

[33] Comme pour tous les lieux du cycle arthurien, la géographie et le mythe font bon ménage. Géographiquement, on peut y reconnaître Orkney, c’est-à-dire les îles Orcades, au nord de l’Écosse. Mais le royaume de Loth est souvent dit Lothian, avec le jeu de mots que l’on devine, qui est le comté d’Édinburgh. Mais comment ne pas penser à la divinité gallo-romaine – et romano-brittonne – Orcus, sorte de gardien de l’Autre Monde, devenu dans la tradition populaire le fameux « Ogre » des contes de fées. D’autre part, il ne faudrait pas oublier que, dans la tradition galloise ancienne, le roi Loth apparaît sous la forme de Llwch (ou Lloch) Llawwynnawc (= « à la main blanche »). Or Llwch est la transposition en moyen-gallois du gaélique loch qui signifie « mare », « marécage », ce qui ramène à l’idée des « Infernaux Paluds ». Mais Llwch et Loch ont été souvent confondus avec le français Lac, ce qui n’est pas fait pour simplifier la compréhension de toutes ces légendes. C’est dans un palais sous un lac que sera élevé Lancelot, par la Dame du Lac, et le héros arthurien Érec (Gereint) est dit « fils du roi Lac ».

[34] D’après le Merlin de la tradition de Robert de Boron.

[35] D’après la Vita Cadoci, texte latin du XIIe siècle. D’une façon générale, les documents monastiques et hagiographiques ne sont guère tendres envers l’Arthur historique, accusé, à tort ou à raison, d’en prendre à son aise avec les franchises ecclésiastiques et de piller sans scrupule les abbayes. On remarquera aussi la réputation des moines de se livrer à la magie – même blanche ! –, ce qui prouve que, dans l’esprit du temps, ils étaient considérés comme les héritiers directs des druides.

[36] Ce récit, qu’on peut faire remonter au IXe siècle, préfigure évidemment le « Cortège du Graal », tel qu’il est présenté par Chrétien de Troyes au XIIe siècle.

[37] Ce thème du chaudron magique, l’un des archétypes du Graal, est le même que celui du Chaudron de Brân le Béni. Voir le chapitre IX (« le Temps des Merveilles ») de la première époque, la Naissance du roi Arthur.

[38] D’après le poème 30 du Livre de Taliesin, manuscrit gallois du XIIIe siècle, intitulé « les Dépouilles de l’Abîme » (J. Markale, les Grands Bardes gallois, Paris, Picollec, 198I, pp. 97-99), avec quelques détails empruntés au récit gallois de Kulhwch et Olwen.

[39] L’interprétation donnée ici par Geoffroy de Monmouth – dont je suis fidèlement le texte – prouve que le clerc gallois ne comprenait rien à ses sources. Traditionnellement, chez les Celtes, et particulièrement chez les Gallois, l’ours est un symbole royal. N’oublions pas non plus que le nom d’Arthur provient du nom celtique de l’ours. Le rêve d’Arthur ne concerne donc pas l’épisode qui suit, mais la bataille finale du règne où l’ours Arthur sera opposé au dragon Mordret.

[40] Jusqu’au IXe siècle, le Mont-Saint-Michel se trouvait au milieu d’une forêt. Cette forêt fut engloutie par un raz de marée et, depuis lors, la mer a envahi ce qu’on appelle la baie du Mont-Saint-Michel. Voir J. Markale, le Mont-Saint-Michel et l’énigme du Dragon, Paris, Pygmalion, 1987.

[41] Il s’agit de l’îlot de Tombelaine. En fait, il semble bien que le premier nom du Mont-Saint-Michel ait été Mont-Tombe, ou encore Tum-Belen, le « Tombeau de Belenos », Belenos (= « brillant ») étant une des épithètes du dieu de la lumière chez les Celtes. On a retrouvé des vestiges du culte de Mithra sur le Mont, ce qui accentue son caractère de tertre dédié à la lumière. Le combat de saint Michel, l’archange brillant, contre le Dragon des Ténèbres est la formulation chrétienne de cette tradition qui remonte à la plus lointaine préhistoire. Et, bien entendu, le combat d’Arthur contre le Géant en constitue l’illustration profane.

[42] D’après l’Historia Regum Britanniae, récit latin du clerc gallois Geoffroy de Monmouth (1135). L’épisode est probablement adapté d’une tradition orale locale.

[43] Conte populaire de Bretagne armoricaine, Annales de Bretagne, tome XI (1895-1896), p. 193. De nombreuses légendes hagiographiques tournent autour du personnage de saint Efflam, surtout dans la région située entre Morlaix et Lannion. Des chapiteaux de l’église romane de Perros-Guirec (Côtes-d’Armor) sont une excellente illustration du thème.

[44] D’après The Wedding of Gawain, récit anglais du XIVe siècle. Dans ce texte, c’est bien Arthur qui rencontre l’homme à la massue, mais le roi envoie son neveu Gauvain à sa place pour accomplir les épreuves. Or la comparaison entre ce texte et une ballade anonyme de la même époque, un conte de Geoffroy Chaucer et la Confessio Amantis de Gower, démontre que, primitivement, l’histoire ne comportait qu’un seul héros. Il était donc normal de restituer Arthur en totalité dans le schéma narratif.

[45] Le nom français de Gauvain (Gawain dans les textes anglais, Galvinus dans le texte latin de Geoffroy de Monmouth) provient d’un terme brittonique ancien qui a donné la forme galloise Gwalchmai, qu’on peut traduire par « faucon de mai ». Gauvain est le type parfait du chevalier, et, avant l’introduction de Lancelot du Lac dans le cycle arthurien, il est le héros central de toute cette épopée. Son origine celtique ne fait aucun doute, car il est le neveu d’Arthur, fils de sa sœur, ce qui en fait – selon le principe celtique de la filiation matrilinéaire – le successeur normal du roi. Il en est de même pour Tristan, fils de la sœur du roi Mark, ou pour le héros irlandais Cûchulainn, fils de la sœur du roi Conchobar.

[46] Ce début de chapitre est emprunté à la version dite de Gautier Map.

[47] Avant chaque repas, il était d’usage qu’on apportât de l’eau pour que les convives pussent se laver les mains. Il ne faut pas oublier que jusqu’au XVIe siècle, la fourchette n’existant pas, on mangeait avec les doigts.

[48] Ce texte des environs de l’an 1200 inaugure toute une série de récits antiféministes sur l’inconstance des femmes et surtout sur leur nymphomanie maladive.

[49] D’après le De Ortu Walwani, récit latin du XIIIe siècle, contenant certains archaïsmes qui en font remonter la trame très loin dans le temps.

[50] En réalité, le nom originel devait être Keinkalet, mot breton-armoricain qui signifie littéralement « dos dur ».

[51] D’après Gauvain et l’Échiquier, récit néerlandais en vers, datant de la première moitié du XIIIe siècle. Revue des Traditions populaires.

[52] Le frein désigne le mors glissé dans la bouche de la monture, et parfois la bride entière.

[53] Il survient une aventure identique à Gauvain dans The Green Knight, récit anglais du XIVe siècle, tandis que dans le Perlesvaux il s’agit de Lancelot du Lac. Mais l’aventure est plus ancienne, car on la retrouve dans le Festin de Bricriu, récit irlandais en gaélique contenu dans un manuscrit du XIIe siècle, mais remontant bien plus haut : il arrive la même histoire au héros Cûchulainn, lequel est d’ailleurs un personnage de même nature mythologique que Lancelot du Lac (voir J. Markale, l’Épopée celtique d’Irlande, édition de 1978, Paris, Payot, pp. 108-114). Ce « Jeu du Décapité », comme on l’appelle habituellement, est une épreuve initiatique dont nous ne comprenons plus guère le sens, mais qui paraît incontestablement le souvenir d’un antique rituel celtique de régénération.

[54] J’essaie de restituer autant qu’il est possible l’atmosphère et le décor de l’épopée primitive, dont l’action est censée se dérouler aux alentours de l’an 500 de notre ère, à une époque où le château fort médiéval n’existait pas encore. Les forteresses sont encore à la mode celtique, consistant en vastes espaces situés sur une hauteur ou un promontoire, entourés de palissades de bois, de remparts de terre et de pierre, et aussi de fossés. Ces espaces sont parsemés de maisons isolées, en nombre et en quantité proportionnels à la superficie intérieure. Les textes que j’utilise pour cette restitution sont d’origines diverses dans le temps comme dans l’espace géographique, ce qui pose quantité de problèmes : il est nécessaire d’unifier le récit en opérant une synthèse entre la période médiévale classique (à laquelle ont été écrits les principaux textes de la légende) et les données archéologiques du VIe siècle, qui mettent en lumière une civilisation à la fois romaine et mérovingienne. D’où le terme de « forteresse », au lieu de « château fort », et souvent de « guerrier » ou de « compagnon », au lieu de « chevalier », la « chevalerie » n’existant pas au VIe siècle. Mais j’ai cependant maintenu l’appellation « chevalier » à cause de sa signification première, qui est « cavalier ».

[55] Il s’agit ici d’une formule consacrée, très commune dans les textes médiévaux et dans les récits mythologiques. Mais elle s’applique fort bien au « héros de lumière » que symbolise le personnage de Gauvain, le « Faucon de Mai », image parfaite de la jeunesse agissante du Printemps, et qui, tels saint Georges ou saint Michel, passe son temps à lutter contre le « Dragon des Profondeurs », autrement dit l’image des forces négatives qui s’opposent au fonctionnement harmonieux de l’univers. C’est en ce sens que Gauvain, personnage principal primitif du Cycle du Graal, peut être considéré comme le type parfait du « héros civilisateur », aspect héroïsé du dieu Mithra.

[56] D’après la Mule sans frein, récit arthurien contenu dans un manuscrit du début du XIIIe siècle, éd. par Johnson et Owen, The Two Old French Gauvain Romances, Edinburgh-London, 1972. Traduction intégrale par Romaine Wolf-Bonvin, dans Régnier-Bohler, la Légende arthurienne, Paris, 1989.

[57] Il y a, dans cet épisode emprunté au Merlin de la tradition de Robert de Boron, une double allusion : d’abord, à la liaison amoureuse entre Guenièvre et Lancelot du Lac, qui sera l’une des causes de la dislocation de la Table Ronde ; ensuite, à l’histoire du roi Galehot, vainqueur d’Arthur par les armes, qui restitue son royaume à Arthur pour l’amour de Lancelot et de Guenièvre. Cette double allusion prouve que dès les premiers textes, il existait un plan d’ensemble du cycle arthurien, et qu’aucun épisode n’est gratuit ou isolé du contexte général.

[58] Ce qui suppose que le royaume de Léodagan se trouve en Bretagne armoricaine.

[59] D’après le Merlin de la tradition de Robert de Boron.

[60] Brocéliande est la forme moderne du nom, utilisée depuis la fin du XVIIIe siècle. Les deux formes anciennes sont Brécilien et surtout Bréchéliant, cette dernière étant attestée au début du XIIe siècle. Il est possible de reconnaître dans ce nom un terme celtique briga, « hauteur », « forteresse », et un terme voisin du germanique hell, signifiant l’Autre Monde. Brocéliande serait donc « la Forteresse de l’Autre Monde », ce qui n’est pas incompatible, loin de là, avec le caractère magique de cette forêt. De toute façon, cette forêt centrale de la péninsule bretonne a été l’un des derniers refuges des druides en Gaule. Voir J. Markale, Brocéliande et l’énigme du Graal, Pygmalion, 1988.

[61] Au Moyen Âge, Diane a gardé, dans l’inconscient collectif, le caractère de l’Artémis primitive des Grecs et surtout des Scythes, et on lui a adjoint souvent les traits d’Hécate, la sinistre déesse des carrefours, ce qui donne une allure diabolique au personnage. C’est de cette façon que Diane va apparaître dans toutes les descriptions du Sabbat en tant que Déesse des Sorcières, une sorte de Satan féminin.

[62] Le nom de Viviane est moderne. Les formes utilisées dans les manuscrits sont Niniane, Nivième, ou encore Nimue chez Thomas Malory. On a mis souvent en parallèle le nom de Niniane avec celui de saint Ninian, évangélisateur de l’Écosse, dont le nom a été attribué à un affluent de l’Yvel, rivière du Morbihan, près de la forêt de Lanouée, à l’intérieur même de l’ancienne Brocéliande. Il est possible de retrouver dans la forme Nimue le vieux terme celtique nem qui signifie « ciel », ce qui ferait de Viviane une sorte de divinité céleste, ce qu’elle n’est pas dans la légende. Elle est davantage une image « folklorisée » d’une déesse de la fécondité et des eaux douces, ce qui justifie pleinement le rôle – et le titre – de « Dame du Lac » qu’elle aura par la suite. Dans ce cas, il faudrait voir, à l’origine de son nom, une déformation de l’un des noms de la déesse irlandaise des eaux douces et de la fécondité, Boann ou Boinn (soit la rivière Boyne personnifiée et divinisée), lequel nom provient de l’ancien celtique Bo-Vinda, c’est-à-dire « Vache Blanche ». Il faut en tout cas, dans cette version de la légende dite de Gautier Map, tenir compte de la référence à la déesse Diane, dans un contexte évident de sorcellerie ou de magie nocturne. Sur le nom et le rôle de Viviane-Niniane, voir J. Markale : Merlin l’Enchanteur, Paris, Albin Michel, 1992, pp. 115-123.

[63] La description de Viviane est empruntée mot pour mot à la description de l’héroïne Étaine dans le récit irlandais de l’Histoire d’Étaine, contenu dans un manuscrit gaélique du XIIe siècle. Voir J. Markale, l’Épopée celtique d’Irlande, pp. 49-50. Cette description correspond très exactement aux canons de la beauté féminine chez les anciens Celtes.

[64] Ce sera Hector des Mares, compagnon de Lancelot du Lac.

[65] D’après le Merlin de la tradition de Gautier Map. Dans la version issue de la tradition de Robert de Boron (reprise ensuite au XVe siècle par Thomas Malory), l’attitude de Viviane est fondamentalement différente. D’abord, Viviane est une fille de roi qui est venue à la cour d’Arthur, et c’est là que Merlin la rencontre. La jeune fille lui plaît tant qu’il en tombe amoureux. « Mais l’amour que lui portait Merlin la terrifiait, car elle avait peur qu’il ne la trompât par ses enchantements ou qu’il n’abusât d’elle pendant qu’elle dormait. » Et comme la jeune Viviane doit retourner chez son père en compagnie de Merlin, elle se trouve complètement bouleversée et consternée, « car elle le détestait plus qu’aucun homme au monde ». Un peu plus avant, dans le cours de l’action, l’auteur dit : « Elle vouait à Merlin une haine mortelle parce qu’elle savait qu’il n’en voulait qu’à son pucelage. Si elle en avait eu l’audace, elle l’aurait tué sans hésiter, en l’empoisonnant ou autrement, mais elle n’osait de peur d’être démasquée, car elle le savait plus perspicace que quiconque. » Et, de plus, Viviane avoue que, même si elle le voulait, elle ne pourrait aimer Merlin parce qu’elle sait qu’il est le fils d’un diable. Cette problématique est reprise intégralement dans la Mort d’Arthur de Thomas Malory, version la plus couramment répandue dans les pays anglo-saxons et qui sert de trame au film de John Boorman, Excalibur. Il est bien certain qu’il existe deux versions diamétralement opposées de la légende, l’une, continentale, qui insiste sur l’amour partagé de Viviane et de Merlin, l’autre, purement insulaire, qui fait de Merlin un « satyre » et de Viviane une « garce », et, en dépit de certains points communs (Viviane disciple de Merlin, thème de la Dame du Lac), il est très difficile de les concilier. J’ai choisi ici la version continentale, avec des emprunts mineurs à la version insulaire.

[66] C’est-à-dire Carlisle, forteresse britto-romaine sur le mur d’Hadrien qui séparait la Bretagne proprement dite (l’Angleterre actuelle) de l’Écosse, pays des Pictes et des Bretons irréductibles. Dans les récits en langue française, les trois résidences principales d'Arthur sont Carduel, Kaerlion sur Wysg, c'est-à-dire l'antique Isca Silurum, particulièrement riche en vestiges romains, au sud-est du Pays de Galles, et Camelot (ou Kamaalot), qui est peut-être la forteresse celtique de Cadbury dans le Somerset, non loin de Glastonbury. . Dans les textes anglais, c'est Camelot qui domine. Dans les textes gallois, Kaerlion le dispute à Kaer Lloyw (Gloucester) et à Kelliwic en Cornwall. Certaines versions anglo-normandes citent souvent Londres, ce qui est une aberration, et Winchester, ce qui est plus intéressant : c'est là en effet qu'est conservée la fameuse Table Ronde, datant du règne d’Édouard III Plantagenêt, au moment où celui-ci créait l’ordre dit de « la Table Ronde », devenu ensuite « de la Jarretière ». Mais, en dépit du battage touristique actuel, qui est absolument hors de propos, Tintagel, en Cornwall, est seulement le lieu de la conception d’Arthur, et concentre en fait la légende de Tristan et Yseult autour du château du roi Mark.

[67] Je refuse absolument de donner un nombre précis aux compagnons de la Table Ronde. Ce nombre varie sans cesse d’une version à l’autre, sans qu’on puisse vraiment y ajouter une valeur symbolique. Dans la tradition de Robert de Boron, ils sont cent cinquante ; mais dans d’autres, ils sont quarante-huit, c’est-à-dire un multiple de douze, rappel évident des douze apôtres ou des douze signes du zodiaque.